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LIGNE DE PLATANES, allée Alberto Giacometti, Montpellier

Dis, quand reviendras-tu ?

Dis, au moins le sais-tu ?

Acteurs : Ame (tan dian) = Barbara ; BOUDDHA l’étranger dit l’Ancien = l'ami-amant de la chanson ; l'enfant intérieur et C.

 

                Je cherche ce qui m’a amenée ici, allée Giacometti.

Je scrute un horizon que de vert vêtu. J’ai l’impression étrange d’être transportée dans un ailleurs, loin de la cité, loin du quotidien, des voitures et du bruit citadin. La conversation que je viens d’avoir avec ma mère me rappelant un de mes premiers websites, Conversations avec les arbres-âme, coïncidence frappante à se retrouver devant un spectacle tout de mouvements, des arbres se déhanchant, s’étirant. 

Des arbres qu'un chemin sépare ... si peu ! Seuls les troncs se disjoignent presque volontairement. Les branches se moquent des aventures d’autrefois et jouent à se mêler dans un ciel toujours accueillant leur ramage.

Il est loin le temps des amours nobles entre feuillage de l’un et branchage de l’autre. Entre pitié et réconciliation ou mieux entre hasards et certitudes.

- Nous étions quatre ou cinq (je ne vois pas le cinquième) à ne pas savoir pourquoi la Terre tournait, tourne

Encore et toujours !

Nous étions deux à comprendre pourtant qu’il n’y avait pas si longtemps les hommes connaissaient les préceptes reliant la Terre aux autres astres. Et cela était bien dommageable car ni lui, ni moi ne pouvions l’insinuer à nos camarades, qu’ils soient deux ou trois.

Cependant nous ne comprenions que très peu le langage de la planète Terre et de ses amis.

- Et les hommes, n’ont-ils jamais compris le langage des planètes ?

- Oh si, mais il y a si longtemps qu’ils ont fini par oublier … Tout s’oublie, tout peut s’oublier. C’est pour ça qu’on a inventé l’écriture.

- Pour ne pas oublier !

- Donc les arbres-âme comme tu les appelles, sont restés debout alors que leurs congénères jouaient à califourchon ou autres jeux dédaignant les qualités intrinsèques des corps.  

 Enfin, il fallut patience et temps pour dissuader les rejetons de dispenser à longueur de journée des pensées peu valorisantes pour l’univers dans son entier.

- Bouleversée par une émotion de la nuit des temps. Quelque chose s’est passé ici.

Quelque chose qui a laissé des traces

Toujours présentes aujourd’hui.

Des traces de qui ? de quoi ? Et surtout pour qui ?

- Et tu disais ne plus pouvoir t’indigner, te révolter …

Car c’est de révolte qu’il s’agit. Pas un petit pet de travers, mais le bouleversement d’une, voire de nombreuses vies. Des vies à l’abandon d’elles-mêmes prises en étau entre des alternatives inacceptables. Et surtout indéfendables.

Tu as gagné la lutte mais à quel prix ? De ta vie en tout cas et de celle de tes enfants, celle de tes proches, aimés dans la tendresse de vos rapprochements.

- J’en tremble encore.

- Et ce n’est pas tout. Tu as osé désobéir à la loi promulguée et ainsi t’es mise dans une situation de détresse,

A tout jamais.

A jamais !

- Que s’est-il passé ? Que se pasa ?

- En Espagne justement, tu as désobéi, à plusieurs reprises. Tu as bafoué l’ordre en place et tu as convaincu bon nombre de ne pas aller aux urnes, indispensable pour instaurer la dictature envisagée par un parti qui s’opposait à tes idées démocratiques.

- Les arbres tourmentés de l’allée Giacometti. Dis, ce sont eux qui se sont opposés ?

- Non, eux, ce sont ta famille qui, de loin ou de près, sont en relation avec la chanson de Barbara qui t’émeut tant et que j’avais placée en ritournelle dans ta tête hier.

- « Dis, quand reviendras-tu ? Dis, au moins le sais-tu ? » .. un refrain qui m’a fait penser aux bateaux qui au loin dérivent de port en port jusqu’à revenir ou pas à leur attache familiale. Timoniers et autres marins pas toujours au rendez-vous de leurs amours en attente. La faute à qui ? à la vie, à la mort, la malchance ou l’alcool.

Lui, celui que Barbara attendait, en vain, je le vois dans la rue noire d’un grand port où tous les marins se connaissent ou du moins se sont déjà croisés ...

- où les marins se rassemblent un peu comme à la messe le dimanche.

- Les bars sont plein de rires et de mots outranciers, de filles et de bonnets. Parfois la bagarre est dans la rue.

- C’est là que notre homme a trouvé sa fin, légitime certes mais inavouable : il venait de voler. Voler une princesse à son homme ! Et la princesse, c’était toi, aussi !

Tu t’aventurais souvent dans ce quartier à la recherche de l’aventure d’un soir, d’une nuit. Et tu l’as trouvée ! Avec l’homme de ta vie …

Lui, avait été quelques mois auparavant soldat dans l’armée de terre. Avant de rejoindre son groupe, il avait décidé de parcourir le monde dans l’attente de découvertes majeures. Et en effet, il fit ta rencontre. A l’époque, tu étais comme beaucoup de jeunes, fraiche, et frêle. Tu arpentais déjà les trottoirs de Manille et vivais toi et tes sœurs de l’obole des marins de passage. Rien ne t’y obligeait, pourtant tu avais pris goût à la chose. Tu fus remarquée par un des mafieux qui sévissait dans le coin. Très rapidement, tu fus sa chose plus que son épouse. Cette situation – courante – ne t’inquiétait guère jusqu’à ce que tu rencontres le VRAI amour, celui de toute une vie voire plus.

Ce « lui » venait de débarquer dans la ville peu avant d’en repartir, menottes aux poignets. En effet, la coutume visant les étrangers en situation irrégulière l’avait dénoncé aux autorités et enfermé très vite dans une geôle étroite et sentant le moisi. Il y resta quelques jours, le temps pour lui de s’habituer à son nouveau mode de vie. Puis il fut transféré dans une autre ville, une autre prison. Là, il y croupit quelques mois, avant de rentrer, épuisé et meurtri par l’abandon des siens qui n’avaient rien fait pour l’aider.

Pendant ce temps, l’héroïne se morfondait, tout comme la belle qui l’attendait dans son pays, au Royaume-Uni.

Le temps a passé …

L’amour aussi.

Les désirs se sont émoussés dans l’attente d’un retour rapide.

Lorsqu’il put enfin revenir au pays, un baluchon à l’épaule, il fut presque mis à porte de chez lui pour n’avoir donné des nouvelles en temps et en heure. Cette infortune ne dura point puisqu’il rencontra Barbara, qui alors chantait déjà.

Cette dernière, attendrie par les multiples épreuves, ne résista point aux enlacements et autres approches. Ils formèrent un couple délicieux faisant rejaillir sur leur entourage l’ardeur de leur amour. Changement de vie, « lui » décida de repartir au bout du monde afin de dénouer son affaire philippine. Il y arriva plus tôt que prévu et se présenta aux autorités afin de légaliser ses papiers. Celles-ci ne l’entendaient pas de la même oreille. On lui mit à nouveau les menottes …

La suite appartient aux impondérables de l’administration – comme de toutes les administrations d’ailleurs. Il fut pris dans l’étau de la torture, fréquente dans ce pays. Il n’y survécu point.

Voilà l’histoire de l’homme qui vécut plusieurs amours, plusieurs vies d’amour pour enfin succomber à l’ambition d’être.

- Les arbres dans tout ça ?

- Les arbres ? Et bien, ils toujours là. Ils magnifient la candeur qui caractérise les simples d’esprit, les heureux d’âme. Ils témoignent de la longévité de leur nature intrinsèque mais aussi de la stupidité humaine/humanoïde dans les univers féconds de l’imagination.

Ils rassemblent à eux quatre les atouts de la vieillesse et de la jeunesse en restant immobiles aux tracas du monde. Et ce faisant, ils jouissent d’une tranquillité absolue et totale au départ de laquelle il fait bon de rester quelques instants chaque jour.

- Pas seulement, ces arbres-âme recèlent en leur forme et leur stature des histoires sans pareil.

Lorsque je me suis arrêtée, je les ai observés, ils m’ont fait partager leur sinueux tourments d’antan … et je me suis retrouvée en eux, dans l’enlacement de leur branchage, leurs plaies ouvertes 

aux nids d’oiseaux ou d’écureuil, 

leurs soubresauts. 

Des histoires toutes en rebondissements et en échauffourées. L’Univers s’est agité autour d’eux …, ils en ont gardé les traces.

- En effet, ce fut difficile pour nous quatre ou cinq puis le cinquième n’est pas présent, d’entendre la nouvelle du départ de l’un de nous, le plus « dévergondé », toi en l’occurrence ! Un départ qui ressemblait à un adieu et non à un au-revoir. Tu fus déportée alors dans un autre pays, un qui ne t’appartenait pas. Il t’a fallu du courage et de l’abnégation car ta situation était plutôt rocambolesque …. A tel point qu’il t’a fallu jouer de prudence quand ils t’ont pris, comme en 42 près du poste frontière.

Il te manquait juste un petit passeport révélant ton identité de frauduleuse !

- Quelque chose qui a laissé des traces … 

et surtout pour qui ?

- Bien-sûr que c’est pour toi, pour nous (ensemble des énergies qui te composent) ; mais aussi pour ceux qui passent et repassent promenant leur toutou à la main.

- Pour moi au moins qui dévoile ici mon émotion profonde. Sans pleurs ni reproches. Juste comme prise dans un processus, un tourbillon. Un mouvement de ma base, une réaction au bout d’un chemin. 


 
- Du chemin de l’âme et de nous avec elle. Nous, c’est הוהי à gauche en arrière, toi catha, tu es à gauche devant (sur la photo), moi à ta droite et en arrière de moi, c'est  אלהים .

Il s'en est suivi un joyeux festin où tous étaient comme ivres. Un festin fait de détritus et de fruits sauvages récoltés au niveau de la canopée. Car nous étions nés oiseaux et non mammifères comme aujourd'hui.

- Au bout des troncs qui se tordent ou s’érigent dans l’ambition non défunte de toucher la voute céleste.

Et tout d’un coup …

- tout d’un coup, tu m’enchantes. De tes longs poils hérissés, tu geins à n’en plus finir. Tu vis la disgrâce de ton amoureux. Puis tu es palmipède. Hors de l’eau, tu te trouves. Palmipède encore mais dans une situation difficile : tu ne retrouves pas tes petits nés il y a peu. Ta chanson est celle d’un alléluia majeur pour la tristesse et le besoin de réconfort.

Il y a tant de formes que tu as prises à mes « yeux » que je ne saurai les compter ! Tu as programmé celle d’aujourd’hui, bien ...

- Tout d’un coup, le brasero est passé par là 

A nettoyer, à lâcher les dernières effluves ...

nauséabondes.

La place est libre pour les douces senteurs d’un chaud automne. Et c’est l’allégresse qui régale, c’est la danse aux feuillages conquis, de déhanchements en arabesques, les arbres s’étirent au son des

- tambourins.

Les années, les décennies et certainement plus, sont là dans les rides des arbres du passage Giacometti à Montpellier, alors petit bourg de province connu par son école fameuse de médecine. Et peut-être les beaux-arts.

- Aux sons des tambourins. Les torsions sont des appas aux vents du sud, tournoiements excessifs s’enrubannant autour d’un sol fiévreux il n’y a pas si longtemps … 


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