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LIGNE DE PLATANES, allée A. Giacometti (2)

- Les bars débordent de rires et de mots outranciers, de filles et de bonnets.

Parfois la bagarre est dans la rue.

- C’est là que notre homme a trouvé sa fin, légitime certes, mais inavouable : il venait de voler. Voler une princesse à son homme ! Et la princesse, c’était toi, aussi !

Tu t’aventurais souvent dans ce quartier à la recherche de l’aventure d’un soir, d’une nuit. Et tu l’as trouvée ! Avec l’homme de ta vie …

Lui, avait été quelques mois auparavant soldat dans l’armée de terre. Avant de rejoindre son groupe, il avait décidé de parcourir le monde dans l’attente de découvertes majeures. Et en effet, il fit ta rencontre.

A l’époque, tu étais comme beaucoup de jeunes, fraiche, et frêle. Tu arpentais déjà les trottoirs de Manille et vivais toi et tes sœurs de l’obole des marins de passage. Rien ne t’y obligeait, pourtant tu avais pris goût à la chose. Tu fus remarquée par un des mafieux qui sévissait dans le coin. Très rapidement, tu fus sa chose plus que son épouse. Cette situation – courante – ne t’inquiétait guère jusqu’à ce que tu rencontres le VRAI amour, celui de toute une vie voire plus.

Ce « lui » venait de débarquer dans la ville peu avant d’en repartir, menottes aux poignets. En effet, la coutume visant les étrangers en situation irrégulière l’avait dénoncé aux autorités et enfermé très vite dans une geôle étroite et sentant le moisi. Il y resta quelques jours, le temps pour lui de s’habituer à son nouveau mode de vie. Puis il fut transféré dans une autre ville, une autre prison. Là, il y croupit quelques mois, avant de rentrer, épuisé et meurtri par l’abandon des siens qui n’avaient rien fait pour l’aider.

Pendant ce temps, l’héroïne se morfondait, tout comme la belle qui l’attendait dans son pays, au Royaume-Uni.

Le temps a passé …

L’amour aussi.

Les désirs se sont émoussés dans l’attente d’un retour rapide.

Lorsqu’il put enfin revenir au pays, un baluchon à l’épaule, il fut presque mis à porte de chez lui pour n’avoir donné des nouvelles en temps et en heure. Cette infortune ne dura point puisqu’il rencontra Barbara, qui alors chantait déjà.

Cette dernière, attendrie par les multiples épreuves, ne résista point aux enlacements et autres approches. Ils formèrent un couple délicieux faisant rejaillir sur leur entourage l’ardeur de leur amour. Changement de vie, « lui » décida de repartir au bout du monde afin de dénouer son affaire philippine. Il y arriva plus tôt que prévu et se présenta aux autorités afin de légaliser ses papiers. Celles-ci ne l’entendaient pas de la même oreille. On lui mit à nouveau les menottes …

La suite appartient aux impondérables de l’administration – comme de toutes les administrations d’ailleurs. Il fut pris dans l’étau de la torture, fréquente dans ce pays. Il n’y survécu point.

Voilà l’histoire de l’homme qui vécut plusieurs amours, plusieurs vies d’amour pour enfin succomber à l’ambition d’être.

- Les arbres dans tout ça ?

- Les arbres ? Eh bien, ils toujours là. Ils magnifient la candeur qui caractérise les simples d’esprit, les heureux d’âme. Ils témoignent de la longévité de leur nature intrinsèque mais aussi de la stupidité humaine/humanoïde dans les univers féconds de l’imagination.

Ils rassemblent à eux quatre les atouts de la vieillesse et de la jeunesse en restant immobiles aux tracas du monde. Et ce faisant, ils jouissent d’une tranquillité absolue et totale au départ de laquelle il fait bon de rester quelques instants chaque jour.

- Pas seulement, ces arbres-âme recèlent en leur forme et leur stature des histoires sans pareilles.

Lorsque je me suis arrêtée, je les ai observés, ils m’ont fait partager leurs sinueux tourments d’antan … et je me suis retrouvée en eux, dans l’enlacement de leur branchage, leurs plaies ouvertes 

aux nids d’oiseaux ou d’écureuil, 

leurs soubresauts. 


Des histoires toutes en rebondissements et en échauffourées. L’Univers s’est agité autour d’eux …, ils en ont gardé les traces.

- En effet, ce fut difficile pour nous quatre ou cinq puis le cinquième n’est pas présent, d’entendre la nouvelle du départ de l’un de nous, le plus « dévergondé », toi en l’occurrence ! Un départ qui ressemblait à un adieu et non à un au-revoir. Tu fus déportée alors dans un autre pays, un qui ne t’appartenait pas. Il t’a fallu du courage et de l’abnégation car ta situation était plutôt rocambolesque …. A tel point qu’il t’a fallu jouer de prudence quand ils t’ont pris, comme en 42 près du poste frontière.

Il te manquait juste un petit passeport révélant ton identité de frauduleuse !

- Quelque chose qui a laissé des traces … 

et surtout pour qui ?

- Bien-sûr que c’est pour toi, pour nous (ensemble des énergies qui te composent) ; mais aussi pour ceux qui passent et repassent promenant leur toutou à la main.

- Pour moi au moins qui dévoile ici mon émotion profonde. Sans pleurs ni reproches. Juste comme prise dans un processus, un tourbillon. Un mouvement de ma base, une réaction au bout d’un chemin. 


 - Du chemin de l’âme et de nous avec elle. Nous, c’est הוהי à gauche en arrière, toi catha, tu es à gauche devant (sur la photo), moi à ta droite et en arrière de moi, c'est  אלהים .

Il s'en est suivi un joyeux festin où tous étaient comme ivres. Un festin fait de détritus et de fruits sauvages récoltés au niveau de la canopée. Car nous étions nés oiseaux et non mammifères comme aujourd'hui.

- Au bout des troncs qui se tordent ou s’érigent dans l’ambition non défunte de toucher la voute céleste.

Et tout d’un coup …

- tout d’un coup, tu m’enchantes. De tes longs poils hérissés, tu geins à n’en plus finir. Tu vis la disgrâce de ton amoureux. Puis tu es palmipède. Hors de l’eau, tu te trouves. Palmipède encore mais dans une situation difficile : tu ne retrouves pas tes petits nés il y a peu. Ta chanson est celle d’un alléluia majeur pour la tristesse et le besoin de réconfort.

Il y a tant de formes que tu as prises à mes « yeux » que je ne saurai les compter ! Tu as programmé celle d’aujourd’hui, bien ...

- Tout d’un coup, le brasero est passé par là 

A nettoyer, à lâcher les dernières effluves ...

nauséabondes.

La place est libre pour les douces senteurs d’un chaud automne. Et c’est l’allégresse qui régale, c’est la danse aux feuillages conquis, de déhanchements en arabesques, les arbres s’étirent au son des

- tambourins.

Les années, les décennies et certainement plus, sont là dans les rides des arbres du passage Giacometti à Montpellier, alors petit bourg de province connu par son école fameuse de médecine. Et peut-être les beaux-arts.

Aux sons des tambourins. Les torsions sont des appas aux vents du sud, tournoiements excessifs s’enrubannant autour d’un sol fiévreux il n’y a pas si longtemps … 

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